[ASPËKT #11 : EXPOLAROID, RECITS REELS ET IMAGINAIRES], LES INTERVIEWS

Namur, mai 2019

Alors que notre exposition « Aspëkt #11 : Expolaroid, récits réels et imaginaires » bat son plein au coworKaffe, Marion Cambier – une de nos deux hôtes, architecte d’intérieur et scénographe – avait envie de mieux faire connaissance avec les différents participants à l’exposition pour pouvoir les présenter ensuite aux utilisateurs du lieu, un bouillonnant hub créatif juste en face du cinéma Cameo.

Marion et Wendy du coworKaffe – Photo Olivier Calicis

Au fur et à mesure des permanences des uns et des autres, Marion pose ses questions… Nous les republions ici.

OLIVIER VAN ROSSUM

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

C’est difficile à situer, je parlerais plutôt de plusieurs expériences clés…
Tout jeune, le fabuleux appareil photo de ma mère, hérité de sa grand-mère ; un premier contact avec les bases de la prise de vue et du labo à l’école ; la remise en route, au grenier, du labo de mon arrière-grand-mère et la découverte de ses négatifs (un monde en images) ; l’achat, à 14 ans, avec mon argent de poche, de mon premier réflex et le début de mon parcours autodidacte. Des rencontres, aussi, de parrains et de marraines photographiques.

Plus tard, mon parcours à l’Ecole des Arts d’Ixelles, où je découvre des notions primordiales de « projet photographique » telles que le propos, le contenu ou encore le langage photographique. Cette formation fut extrêmement stimulante et me proposa un environnement de création et de partage absolument incroyable ! C’est aussi là que s’installent mes thèmes centraux dans ma production : l’interrogation de mon rapport au temps et l’idée d’effacement. Deux thèmes connexes qui se nourrissent l’un l’autre.

Le besoin de partager et de transmettre m’a ensuite amené à enseigner aux Beaux-Arts de Namur et à l’Ecole des Arts d’Ixelles.

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invité dans le cadre de l’exposition ?

Nous avons rejoint le collectif au même moment Nathalie Hannecart et moi. Les liens avec Aspëkt se sont tissés progressivement au fil de nombreux événements, tous d’une grande richesse, à Namur mais pas que. Par exemple, il y a bientôt deux ans, le collectif Aspëkt était appelé pour un projet urbain à l’initiative de la galerie Galerie Josey Dakota à Recyclart (gare dés[ré]affectée de Bruxelles-Chapelle). La proposition était de coller des photos sur des pilastres de la gare ferroviaire. Une appropriation de l’espace urbain évolutive, un concept auquel je suis particulièrement sensible.

____Qu’est-ce qui t’a amené à la photographie instantanée ?

La fascination, enfant, pour le Polaroid d’un oncle qu’il utilisait pour immortaliser les réunions de famille. C’était presque surréaliste de voir se développer la photo instantanément ! A l’époque, je dois bien avouer que je doutais de la qualité technique du résultat. Mais finalement l’imperfection de l’objet lui-même installe une certaine distance avec l’objet photographié. On ne témoigne pas, on raconte, on évoque même ! J’y vois un parallèle avec la photographie noir & blanc, l’élimination des couleurs ou leur altération aléatoire, implique que nous ne soyons plus dans le témoignage pur. D’autre part, j’adore « chipoter », et c’est un bonheur de provoquer et d’accueillir les accidents, qui deviennent en quelque sorte un « leitmotiv » pour la production d’une narration. C’est aussi une autre façon d’aborder le temps et l’effacement. Pas plus linéaire ou chronologique. Peut-être plus narratif ?

L’exposition « Aspëkt#6 : Expolaroid » en 2017 – dont j’étais uniquement spectateur à l’époque – n’a fait que confirmer mon intérêt pour le Polaroid. Le clou a été enfoncé en mai 2018 en participant à un workshop Polaroid animé par Jean-François Flamey à Huy.

Le Polaroid m’a ramené à la photographie en couleurs et vers un univers onirique, alors que mon corpus photographique était principalement en nuances de gris.

Actuellement j’utilise, entre autres, le Pola pour raconter le processus de création et de production d’un nouveau projet. C’est à la fois un outil dans le processus de création, et un outil d’illustration de mon travail. Mais les résultats s’apparentent à des objets photographiques en tant que tels ! J’emporte mon Polaroid avec moi comme un « bloc-notes » lors de mon travail. Il sert à construire un inventaire ou un aide-mémoire. Mais ces clichés deviennent aussi des éléments de langage dans le cadre d’une construction narrative. Les images portent alors un sens différent de celui des espaces photographiés, comme si le processus réel dont je témoigne prenait une dimension de conte. Ce témoignage détourné devient alors un récit qui n’a pas besoin d’être fidèle à la réalité pour exister.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Sans détours, imaginaire ! C’est l’imaginaire du réel qui m’intéresse.

Sur le web : http://www.oliviervanrossum.be/


CAROLINE DERSELLE

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Ma première expérience remonte à ma plus tendre enfance. Je suis née en Suisse, alors que mes parents s’y étaient installés dans les années 1970, ce nouvel environnement allait être pour eux, source d’émerveillement. Un contexte épanouissant dont les montagnes et la nature environnante composent la toile de fond. C’était également une belle source d’inspiration photographique à partager avec la famille restée en Belgique, et cela grâce à un appareil Olympus Pen EE, dont le format réduit des photos permet de démultiplier le nombre de clichés exploitable, un film de 36 permet 72 prises de vue (j’ai toujours trouvé cela magique !). Aujourd’hui encore, je garde un immense plaisir à consulter ces photos-souvenirs précieusement rangées dans une boîte, et dans laquelle je plonge avec bonheur, nostalgie et beaucoup de questions ! Mon premier appareil était en plastique, gagné je ne sais plus comment, vous vous souvenez de ces petits appareils rectangulaires utilisant des films 110.. ? Plus tard, j’ai eu la chance de disposer d’un laboratoire argentique durant mes études de Graphisme. Là je découvre un autre environnement : les chambres noires. Une bulle de créativité plongée dans le calme et la concentration, hors du temps.

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invitée dans le cadre de l’exposition ?

Je fais effectivement partie du collectif. En 2010, je participais à la toute première exposition « Aspëkt » au Belvédère. Ensuite de manière sporadique, j’ai fini par rejoindre le collectif en 2015. Ce groupe artistique implique très peu de contraintes, bien au contraire il représente une véritable bouffée d’air pur, j’y trouve beaucoup de liberté ! Un contexte qui me permet de produire des photos plus personnelles, moins « léchées ». En tant que photographe professionnelle, ma pratique est régie par des exigences d’ordre esthétique, donc un peu moins créative. J’ai le sentiment de pratiquer une photographie plus « spontanée » grâce à la photographie instantanée !

____Qu’est-ce qui t’a amenée à la photographie instantanée ?

Le plaisir de la découverte et du « zéro-contrôle » ou presque ! Il m’arrive de « manipuler » les Polaroid mais c’est assez rare car je préfère exploiter un maximum la spontanéité inhérente au cliché instantané. Comme beaucoup de personnes ayant vécu dans les années 1980, je garde quelques souvenirs en Polaroid, mais trop peu. J’essaye donc d’y remédier un maximum en emportant, notamment en vacances, mes Instax dont les cartouches s’avèrent beaucoup moins chères que les films Polaroid. D’un côté, il y a ce rapport presque intime au Pola-souvenir, et de l’autre, le Pola que je qualifierai de plus « esthétique » et cela grâce à Jean-François qui m’a invitée dès les premiers événements Expolaroid.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Plutôt réel au quotidien, mon métier est de raconter le bonheur des gens en immortalisant les moments de complicité en amoureux, les cérémonies de mariages, le travail passionné des artisans, l’amour au sein d’une famille, etc. Je souhaiterais laisser davantage s’exprimer mon imaginaire pourtant si présent dans mon esprit – débordant de monstres sous les lits – mais qui ne se montre pas facilement en photo. Je rêve sans doute trop d’un autre monde pour pouvoir le coucher sur papier.

Sur le web : http://www.vasyfranky.haikudesign.be


DAVID AMEYE

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Né en Flandres Occidentale, mes parents s’expatrièrent en Tunisie pour le travail de mon père. Documenter le quotidien de la famille, les weekends à la plage, les semaines de camping sauvage, ou toute autre sortie en famille étaient prétextes à ce que mon père s’équipe de son appareil photo (Canon AE1) et ses différents objectifs. Nous arpentions le territoire tunisien, et mon père en capturait des souvenirs, que ce soit les pêcheurs de Ras Angela ou encore la traversée d’une partie du Sahara. Cela devait alors marquer mon intérêt naissant pour ce médium magique et aussi l’amorce d’une éternelle nostalgie. Tous les souvenirs de famille que mon père documentait, finissaient dans des albums photos ou visionnés en famille, à travers la lentille du Diaporama. Je pouvais passer des heures à consulter ces albums et me perdre à travers ces récits photographiques. Les longs mois d’hiver étaient également propices à la lecture de revues, telles que Paris Match et Géo, dont les reportages photo m’initiaient déjà aux dictats de la photographie.

À mon retour en Belgique, j’ai d’abord suivi des études en Hôtellerie à Coxyde, puis atterri au grès de mes expériences, aux cours du soir en Photographie à Saint-Luc Liège. Un chemin irrégulier qui amorce le dessin d’une vie hors normes.

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invité dans le cadre de l’exposition ?

J’ai rejoint le collectif Aspëkt, je ne sais ni pourquoi ni comment mais c’était suite à la rencontre avec Jean-François Flamey. Je ne supporte pas être catalogué et mis dans une « boîte ». Les valeurs du collectif me correspondent, car il n’y a pas de contraintes, pas d’obligations et pas non plus de jugements. Aspëkt interroge également la photographie, et plus précisément la manière dont elle s’expose. Pour ma part, je pratique les collages dans la rue dans cette volonté que l’art puisse être accessible à tous. La photographie doit sortir des lieux conventionnels !

____Qu’est-ce qui t’a amené à la photographie instantanée ?

Mes photos ne sont ni trop plates ni trop lisses, à l’image de ma vie tumultueuse. Je m’exprime à travers une photographie dite « intuitive », il m’arrive de ne même plus regarder à travers l’objectif. On pourrait considérer mon travail comme étant sans raison apparente, mais l’ensemble de mon corpus révèle une cohérence chargée d’une tension émotionnelle forte. J’ai pratiqué la photographie numérique durant quelques années mais je suis revenu vers la photographie argentique qui me correspondait davantage. Les clichés obtenus sont bruts en apparence, leur authenticité plastique convient donc à ma pratique de la photographie, sans détours.
L’imperfection, le hasard, sont autant de mots qui évoquent selon moi la magie de l’argentique. Avec le temps et la pratique, on parvient à dompter les imprévus et à en faire des éléments esthétiques intéressants. Lorsque Jean-François Flamey m’a prêté un Polaroid, j’ai retrouvé dans ce médium le même plaisir.

Mon univers, trompeur et ambivalent, relève de la pure mélancolie – dont la genèse remonte à mon enfance – et qui, aujourd’hui encore, nourrit mon approche photographique et cet insatiable besoin de documenter ma propre vie, à l’image de mon père. Je ne travaille pas efficacement sous la contrainte d’une mission et encore moins d’une pression financière. Ma pratique de la photographie se définit davantage comme un exutoire de mes émotions, créer dans la souffrance pour obtenir un résultat. Je fais partie de ces photographes passionnés qui vivent avec et pour la photographie, mais n’en vivent pas.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Entre les deux, mes photos renvoient à ma réalité bien qu’elle ne soit pas toujours très glorieuse. Ce sont des images de l’imaginaire, mais qui ne travestissent en aucun cas ma réalité. Ma volonté n’est pas d’embellir mes sujets. Suite à la naissance de ma fille, j’ai saisi l’opportunité de faire un stage accompagné de Anders Petersen et Antoine d’Agata, tous deux photographes, qui se déroula durant deux semaines à Marseille. Cette expérience marque l’affirmation de mon approche : pour être honnête avec soi, il faut être honnête avec la photographie et inversement. Une décision qui marqua la fusion de mes chemins personnel et professionnel. Je me raconte à travers mes photos avec autant de franchise que le contraste en noir et blanc de mes clichés, une dualité sans nuances où chaque émotion capturée ou retranscrite est transmise de manière abrupte. Les événements forts ou bouleversants qui ont marqué ma vie, précédemment et suite à ce stage, représentent une source d’inspiration et de création primordiale ! Alors que je n’éprouve pas d’appartenance que ce soit envers la Tunisie ou envers la Belgique, la photographie me permet de poser des jalons sur mon parcours tumultueux.

Sur le web : https://davidameye.portfoliobox.net/


NATHALIE HANNECART

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Cela remonte à l’enfance, la photographie m’a toujours attirée. Mes parents ont vécu en Algérie pendant deux ans, je suis née durant cette période. Le premier salaire de mon père, qui était ingénieur civil, lui a permis d’acheter son premier appareil photo (de la marque Pentax). Mon père faisait des diapositives de leurs voyages à travers le désert et de la ville où ils vivaient, depuis lors détruite par un tremblement de terre. Et mes parents ont ensuite toujours évoqué l’idée d’une soirée lors de laquelle nous allions visualiser les diapositives. Une soirée qui n’a jamais eu lieu. Cette attente, nourrie par ma curiosité alors enfant, représente une réelle frustration, un manque et à la fois une expérience fondatrice par rapport à la photographie. Je me suis imaginé ces diapositives, le voyage qu’elles pouvaient retranscrire en images… sans jamais en voir le résultat.

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invitée dans le cadre de l’exposition ?

Alors que je connaissais déjà Olivier Calicis et appréciais particulièrement son travail, il m’a un jour invitée à venir coller des photographies dans la rue avec le groupe Aspëkt. Une proposition qui m’a séduite immédiatement. Je suis particulièrement sensible dans mon travail aux graphes, aux traces du temps sur les murs et à l’aspect palimpseste des façades et j’avais par ailleurs envie de m’impliquer dans ce genre d’aventure suite à la rencontre avec Thierry Robrechts et son travail dans les rues de la ville de Namur. Le collectif Aspëkt me renvoyait l’image d’un groupe ouvert et accueillant, mais aussi sans concession dans sa démarche et dans son approche relative à la photographie. Investir l’espace urbain autrement, en prenant notamment le contre-pied de la publicité – porte-parole de la société de consommation – qui envahit la rue de manière agressive. Notre action se veut positive, subtile et respectueuse.

____Qu’est-ce qui t’a amenée à la photographie instantanée ?

C’est la faute à Jean-François (encore ! rires). Les expositions organisées par Aspëkt, plus particulièrement l’édition à la rue des Brasseurs, ainsi que les expositions proposées par l’ASBL Paprika à la Maison Pelgrims à Bruxelles, me confrontent à l’univers de la photographie instantanée. J’y ai notamment découvert le travail de Jean-François Flamey et Mélanie Patris. À Berlin, lors de la visite d’une exposition au C/O Berlin, j’ai aussi été fascinée par le travail au Pola de Wim Wenders. Ensuite, j’ai participé à un Workshop encadré par Jean-François Flamey. Alors que jusque-là je travaillais toujours en noir et blanc en argentique, le Polaroid m’a faite entrer dans la couleur. J’étais persuadée que le noir et blanc définissait mon univers, mais le travail en couleur m’a permis de composer autrement. Le Polaroid nous invite à prendre le temps et accueillir l’accident comme un composant de l’objet que l’on crée. C’est un paradoxe extrêmement stimulant, entre la volonté de comprendre et de contrôler, et finalement la confrontation avec un résultat qui nous place toujours au-delà et en deçà de l’idée initiale. Le plaisir de la création, avec des moyens artisanaux.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

La réalité permet d’élaborer une narration personnelle, de s’inventer un langage, c’est finalement une construction de soi-même à travers le médium de la photo. La photographie est devenue comme un moteur de vie, un moyen de partage et de rencontre. Mes thèmes de prédilection sont l’absence d’issue, la notion de « labyrinthe intérieur » ou comment accéder (ou pas) aux différentes pièces qui composent notre mémoire. La douleur d’exister – propre à notre condition humaine – est une thématique récurrente, que j’aborde néanmoins avec distance. Le labyrinthe qui rend fou mais que l’on peut arpenter indéfiniment. Un labyrinthe qui renvoie à l’image d’une structure fermée, cloisonnée sur elle-même, lorsque l’on est focalisé sur soi, et au contraire, l’image d’une structure transcendée par des éléments et expériences extérieures que l’on accueille ou que l’on crée. La photographie permet de refaçonner le monde, ou en tout cas, son propre monde.

Sur le web : www.nathaliehannecart.be


ELODIE GREGOIRE

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Alors que je suis enfant, le contact avec les appareils photo de mes parents marque ma première expérience avec la photographie. J’avais constamment besoin de les toucher, de les manipuler… Mon père, trouvait à travers l’image – la vidéo plus particulièrement – une échappatoire dans laquelle il aimait expérimenter. Une pratique de la vidéo qui traduisait un besoin de conserver chaque moment en images. A 11 ans, j’avais demandé comme cadeau un appareil photo, argentique. Ce premier appareil m’introduit au plaisir de la documentation, plaisir qui devient très rapidement un réflexe pour ne pas dire un besoin. Mon appareil m’accompagne où que j’aille. Je remplis les murs autour de moi de photos comme autant de souvenirs que j’épingle, comme autant de traces de mon existence. Même avec le début de la photographie numérique, c’est toujours le cas aujourd’hui ! Je constituais des boîtes de photos dans lesquelles je les accumulais et dans lesquelles j’aime me replonger, en quelque sorte des « boîtes à mémoire ». Je ne les gardais pas exclusivement pour moi, j’aimais aussi partager ces photos avec mes proches comme des traces inscrites dans nos mémoires respectives. En plus de mes histoires, je garde précieusement les photos d’une époque révolue que je n’ai même pas connue, l’enfance de mes parents, leur mariage… un trésor du passé. J’ai d’une certaine façon le sentiment de pouvoir faire exister ce souvenir en dehors de la réalité et sans aucune emprise du temps dessus.

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invitée dans le cadre de l’exposition ?

Je fais partie du collectif Aspëkt. Nous étions pour la plupart membres de l’asbl et collectif d’artistes namurois « Phase B » qui regroupait diverses disciplines dont la photographie. Le projet Aspëkt s’inscrit très clairement dans la lignée de cette asbl. Institutrice de formation, je décide finalement de reprendre des études en photographie dont je sors diplômée en 2012 et de m’épanouir pleinement en tant que photographe professionnelle. La rencontre avec Jean-François Flamey marque un véritable tournant dans mon approche de la photographie et me permet d’inscrire mon travail au niveau culturel, notamment dans la photographie de concerts et d’événements artistiques, volet qui prennent actuellement beaucoup de place dans ma vie professionnelle.

____Qu’est-ce qui t’a amenée à la photographie instantanée ?

Ce qui m’a amenée à la photographie instantanée c’est cet effet de surprise au moment de découvrir un cliché et dont je ne me lasse pas ! Un rituel qui me renvoie à mon âme d’enfant. Je suis également très sensible à l’aspect brut du résultat obtenu, qui traduit selon moi toute l’authenticité de l’instant capturé. Dans mon rapport à la photographie instantanée, j’exclus totalement le travail de postproduction auquel j’accorde au contraire beaucoup de temps en tant que photographe professionnelle. C’est ma bouffée d’oxygène ! (Une échappatoire ? Tiens donc, les chiens ne font pas des chats !) Les photos que je capture à travers le Polaroid s’inscrivent dans une atmosphère très particulière, onirique, que j’affectionne particulièrement.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Mon approche se situe à la frontière entre les deux. La nature, de manière générale, se place comme la toile de fond de mon corpus photographique. L’humain et la nature se rejoignent souvent dans mes images. Lorsque je fais le portrait d’une personne, j’accorde énormément d’importance à l’environnement dans lequel je la place et j’ai toujours une préférence pour la nature. Les arbres reviennent régulièrement comme un motif en trait d’union entre mes différentes escapades. J’ai une relation assez exclusive avec mon appareil photo, il peut m’arriver de passer une journée à travers mon objectif, hors du temps parfois mais dans mon moment à moi.

Sur le web : http://www.elodiegregoire.be/


OLIVIER CALICIS

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Ma première prise de contact avec la photographie a lieu durant ma 5ème année en humanités à St Luc à Liège, j’avais alors 19 ans. Le contexte à l’époque m’amène à complètement laisser la pratique de côté, j’étais en effet davantage passionné par la musique.

Petite anecdote : à l’occasion de ma Communion, j’avais reçu un appareil photo Kodak qui avait déjà la particularité de faire des photos au format carré… On verra plus tard comme ce format n’est finalement pas si anecdotique que cela…

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invité dans le cadre de l’exposition ?

J’ai effectivement rejoint Aspëkt suite à la publication de la deuxième mouture du journal édité par le collectif, dans laquelle on pouvait retrouver des photos de ma série alors exposée et dédiée à la Palestine. A l’époque, j’étais inscrit à l’Atelier de photo, Baudoin Lotin (CEC du Centre culturel de Namur), j’avais déjà fait la rencontre de Jean-François Flamey et nous prenions tous les jours le train ensemble. Les trajets en train représentaient des moments d’échange intéressants, participaient à une complicité naissante et à l’évocation de projets.

Nous étions plusieurs à avoir manifesté ce besoin d’appartenance à un collectif. Je suis arrivé avec mon énergie et mes idées que j’ai partagé et insufflé au groupe. Au départ, j’étais celui qui avait une approche technique pour assumer certaines missions qui nous étaient confiées, notamment des reportages photo. Alors que d’autres membres ont une approche expérimentale, la mienne se voulait très technique, définie par une recherche de précision et la volonté d’obtenir un résultat.

____Qu’est-ce qui t’a amené à la photographie instantanée ?

Deux chemins m’ont conduit à la photographie dite « instantanée ». Le premier, plutôt indirect, que j’ai arpenté grâce aux « Instax » de Fuji. Je photographie alors avec mon Réflex, mais j’utilise une imprimante Fuji pour la production des photos. Ces clichés sont reproductibles contrairement à ceux que j’obtiens à travers mon Polaroid. Au départ, les formats d’impression Fuji n’étaient pas carrés, légèrement plus allongés pour ne pas rentrer en concurrence avec Polaroid. Mais petit à petit le format à évoluer vers un format carré, mais néanmoins plus petit que les Polaroid. Ce qui me permet de vous introduire au deuxième chemin que j’ai emprunté tout simplement avec la pratique du Polaroid, un medium qui me permet de produire instantanément une impression. J’ai été séduit par la matière, le plastique, dont les caractéristiques m’ont amené à coller des clichés en rue avec du double-face. Ces impressions peuvent rester, se détériorer, changer au niveau des couleurs, etc. En parallèle, le Polaroid représente une grande source d’inspiration par rapport à un travail d’écriture onirique. Je prends plaisir à associer l’exemplaire unique du Polaroid au fait de coucher sur le papier des écrits (des poèmes, de la prose, etc.) tout en respectant le format. Contrairement à d’autres membres d’Aspëkt, je ne manipule pas le format d’origine. D’une certaine façon, on pourrait dire que les Instax me permettent de rester dans ce besoin de contrôle, tandis que le Polaroid me sort de ma zone de confort. Je me place donc dans une situation ambivalente mais en même temps très intéressante ! A l’opposé de cette volonté de maîtriser ou contrôler, les résultats obtenus grâce au Polaroid sont totalement aléatoires. Et pourtant dans les deux cas, je trouve du plaisir.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Selon moi, la photographie se place automatiquement dans l’imaginaire, dans la mesure où elle fige le temps. C’est d’ailleurs à mon sens, le seul medium artistique qui permet cela. Imaginaire et réalité me semblent indissociables, puisque j’accorde énormément d’importance à ce que « la matière première » soit quant à elle de l’ordre du réel, c’est-à-dire les sujets que je photographie. Par exemple lorsque je fais le portrait d’une personne, je prends le temps nécessaire à ce que les images soient respectueuses de la personnalité de cet individu qui se trouve de l’autre côté de mon objectif. Là encore on peut noter un paradoxe intéressant qui confronte la notion d’instantanéité à mon exigence personnelle. J’ai effectivement cette volonté de comprendre et respecter l’autre, et en ce sens mes clichés renvoient à une réalité affirmée et placée dans l’imaginaire.

Sur le web : https://www.instagram.com/ocalicis_photo


JEAN-FRANCOIS FLAMEY

____Quelle est ta première expérience avec la photographie ?

Les nombreuses photographies de famille – soigneusement classées dans des albums – marquent ma première expérience avec la photographie. Ma mère avait une espèce d’obsession constante de documenter les moments importants de la vie et de les archiver. A la fin des années 70, vers mes sept ou huit ans, j’allais souvent rechercher dans un tiroir haut perché un vieil album dédié à un enterrement… Les scènes me fascinaient… J’en garde parfaitement en mémoire les images d’un corbillard tracté par des chevaux, le tout recouvert de parures de velours et de plumes noires. Je garde aussi en mémoire qu’à l’époque, la consultation des albums photos se faisait de manière respectueuse de l’objet. Il fallait veiller à tourner les pages sans toucher les photos… Un rituel dont j’ai pris le contre-pieds complet aujourd’hui en manipulant mes propres photos (rires).

____Tu fais partie du collectif namurois ou bien tu es invité dans le cadre de l’exposition ?

Depuis toujours, ma vie est rythmée par la musique et l’image. Dans la foulée de la création du Belvédère en 2007, c’est assez logiquement que j’y ai mis en place le projet Aspëkt en 2010 avec la complicité de mon frère Johan Flamey (graphiste de formation). Le public montait bien évidemment au Belvédère pour assister à des concerts mais je trouvais intéressant de le confronter également aux arts plastiques et visuels.

L’idée initiale n’était pas de faire d’Aspëkt un collectif (qui est sa forme aujourd’hui) mais simplement de proposer des expositions lors desquelles le travail d’une dizaine de photographes et plasticiens étaient à chaque fois montré. Simultanément un zine/objet était édité à quelques exemplaires. Une manière d’offrir deux lectures, deux expériences, deux temporalités au public.

Pour de stupides questions de subsides, j’ai été contraint de quitter l’aventure du Belvédère mais j’ai pris soin d’emporter le projet Aspëkt dans mes cartons pour lui donner une vie nomade. Sur la route, à force de rencontres avec toute une série d’artistes, des liens se créent avec certains. Des envies de faire un bout de chemin ensemble apparaissent. Construire quelque-chose de commun comme dans un couple (rires). Et voilà comment Aspëkt est devenu un collectif.

____Qu’est-ce qui t’a amené à la photographie dite instantanée ?

En parallèle à tout ça, je pratiquais la photographie sans pour autant me considérer comme photographe. J’ai d’ailleurs encore du mal à l’affirmer aujourd’hui. Chose certaine par contre, avoir croisé le chemin d’Olivier Calicis représente un événement marquant dans mon parcours. Il fait partie de ceux qui m’ont introduit pour la première fois à la notion « d’intention photographique », ce qui m’a permis ensuite d’interroger mon travail et de trouver une voie, notamment dans l’expérimentation. Une expérimentation qui m’amène à désacraliser l’image. En ce sens, le Polaroid est le medium parfait. Cela me permet de travailler autant sur le contenu de l’image que sur sa matérialité. Toucher la photo en tant qu’objet physique – qui peut être plastiquement manipulé – est juste passionnant ! Je l’attaque au sens propre. De manière empirique, je creuse l’image avec différents produits mordants pour découvrir ce qui va se révéler de neuf dans l’image.

____Plutôt réel ou imaginaire ?

Imaginaire ! Dans ma pratique d’auteur, je prends le contre-pied de mon métier de tous les jours en communication et storytelling qui nécessite de faire preuve d’hyperréalisme et où je fais appel à la photographie pour créer des images communicantes. A l’inverse, une fois en dehors de mon job, j’aborde la photographie comme une écriture intime que je partage dans le but de toucher l’imaginaire de celui qui regarde. L’imaginaire comme une échappatoire au réel, animé par l’envie que le spectateur ressente d’abord mes images avant de les comprendre. Du coup, je me mets moi-même dans une sorte d’état d’ivresse au moment de créer ces images, comme autant de parenthèses entre lesquelles je me laisse porter par mon environnement. Comme disait Blaise Pascal « l’imagination décide de tout » !

Sur le web : https://www.nimtree.be

Découvrez également les traces de l’exposition > ici.